Test : êtes-vous vraiment contre la souffrance animale ?

Avant, je voyais comme de drôles d’oiseaux les personnes qui militent pour qu’on réfléchisse – en termes de problème à résoudre – à la souffrance des animaux vivant à l’état sauvage. Mais ça, c’était avant.

Du coup, vous pensez que je vais essayer de vous convaincre à mon tour. Et vous avez raison ! Mais pas n’importe comment. Je propose un test. Vous savez, comme ceux dans les magazines faisant de la psychologie de comptoir.

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C’est simple. Lisez les cas de figure suivants, et notez quand votre réaction spontanée est de l’ordre du : « Bof, c’est la nature » ; et quand elle ressemble plutôt à : « C’est terrible, il faut empêcher ça. »
Prêts ? C’est parti.

  1. Votre chat dépose devant votre porte le cadavre d’un oiseau fraichement tué.
  2. Au retour d’une balade, vous constatez que des tiques sanguinaires ont décidé que votre chien ferait un excellent hôte.
  3. En voyage aux Seychelles, vous voyez une tortue sauvage renversée sur le dos, gesticulant sans succès.
  4. En centre-ville, vous êtes témoin d’un combat à mort entre deux pigeons mâles.
  5. Vous tombez sur un reportage animalier montrant au ralenti un lion pourchasser une gazelle.
  6. Vous tombez sur une annonce d’une personne cherchant des musaraignes pour nourrir son serpent d’appartement.
  7. En balade en montagne, vous observez une musaraigne courir tout droit vers un serpent tapi dans l’herbe.
  8. Sur le rivage d’un étang dans votre bois préféré, des canetons abandonnés à leur sort piaillent après leur mère probablement décédée.
  9. En lecture automatique, Youtube lance la vidéo d’un bébé éléphant en train de se noyer.
  10. Le parlement rejette l’adoption d’une loi qui prévoyait de vacciner les renards contre la rage, un virus qui les tue par milliers.
  11. Vous lisez au détour d’une page Wikipédia que 75 % des lapins de garenne meurent avant la fin du sevrage, dévorés principalement par les prédateurs.
  12. Votre cousin naturaliste vous explique les ravages que font les larves de mouches pondues sous la peau des chimpanzés de Tanzanie.

Vous avez répondu au moins une fois « C’est terrible, il faut empêcher ça » ? Bravo, vous êtes d’avis qu’il peut être une bonne idée d’intervenir dans la nature pour éviter que de la souffrance ne survienne.

Ma volonté pas très dissimulée derrière cet article est de montrer que nous percevons la souffrance des animaux à l’état sauvage de façon incohérente, et selon des critères peu pertinents.

Selon ma vision, nous défendons les animaux pour éviter qu’ils ne souffrent. Pas tant pour nous laver les mains et nous féliciter de ne pas avoir de morts sur la conscience. En d’autres mots : au final, c’est le ressenti des animaux qui compte, pas le nôtre.

Or, mettons-nous un instant dans la peau d’une antilope kényane. Que nous soyons chassés par un lion de la savane ou par un Jean-Edouard de Neuilly-sur-Seine, ça n’a pas beaucoup d’importance. La souffrance, c’est de la souffrance.

Et puis ceci : dans tous les cas de figure du test ci-dessus, remplaçons mentalement la « victime » animale en question par un être humain (par vous-même, votre beau-frère, ou même Jean-Edouard). Est-ce que notre premier réflexe ne serait pas de vouloir empêcher ça, dans chaque situation ? En un sens, ce serait une position spéciste de préférer ne pas venir en aide aux animaux… parce que ce sont des animaux.¹

Bien sûr, si vous avez déjà lu des articles sur la souffrance des animaux sauvages², je n’apporte pas de nouvelles informations. Il n’y a toujours pas de solution miracle permettant par exemple d’épargner les animaux de proie sans condamner les prédateurs en corollaire.

D’autant plus que l’extrême majorité de la souffrance est sans doute à chercher du côté des incalculables petits organismes, et pas des grands mammifères auxquels on pense en premier. Il ne faudrait évidemment pas augmenter la souffrance en intervenant maladroitement dans un biotope. Les implications sont énormes.

Pour l’instant, le mouvement travaille donc à définir le problème, à le formuler, et à diffuser ses réflexions théoriques. Mais il va évoluer, petit à petit. L’association américaine Animal Ethics engageait récemment un Responsable de recherches dans ce domaine.

Par son ampleur, la souffrance des animaux dans la nature est une question qui mérite au moins d’être débattue. En précisant qu’il ne s’agit pas de minimiser le mal occasionné par les humains sur les animaux en élevage. Mais de comprendre préalablement qu’il ne s’agit pas du seul lieu où des animaux sont en détresse.


¹ Je vous l’accorde, un être humain risque peu d’être tué lors d’un duel contre un pigeon, ou de mourir d’épuisement après s’être retrouvé sur le dos.

² Il y en a un paquet. Par exemple celui de Tobias Leenaert ; celui de Vincent Berraud publié sur le présent blog ; ce long texte de Brian Tomasik traduit par votre serviteur, qui par ailleurs s’intègre dans le numéro 40 des Cahiers antispécistes, entièrement consacré à la question de la souffrance des animaux sauvages.

(Aucun chien n’a été blessé lors de la réalisation du très grossier montage photo ci-dessus.)

c Paul Lachine

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